En fait. Le 13 août, Libération a publié le rapport du gouvernement au Parlement intitulé : « La neutralité de l’Internet. Un atout pour le développement de l’économie numérique ». Prévu par la loi de 2009 sur « la lutte contre la fracture numérique », ce rapport crée… une fracture.
En clair. Avant même que la France ait répondu à la consultation publique de la Commission européenne jusqu’au 30 septembre, le gouvernement et le régulateur préparent déjà les esprits à la fin du principe de neutralité des réseaux. Dans la torpeur
de l’été, le rapport du gouvernement au Parlement – émanant du secrétariat à l’Economie numérique et daté du 16 juillet – a été mis en ligne mi-août (1). « La préservation d’un Internet ouvert n’interdit pas la mise en place de mesures techniques, notamment de gestion du trafic », y affirme le gouvernement. Et ce, après avoir expliqué en long et en large que les opérateur télécoms et les fournisseurs d’accès pratiquent déjà sur le Net : la « gestion du réseau », la « régulation du trafic », le
« traitement différencié de certains flux (2) » , le « blocage de certains contenus »,
la « garantie de la qualité de service offerte à certaines applications », les « services gérés de bout en bout », les « services garantis de certains flux », les « technologies d’analyse de trafic dites DPI (3) », le« filtrage de certains services » ou encore les
« limitations ». Et en toute légalité ! La loi de 2004 sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) a ouvert la voie au filtrage ou aux restrictions d’accès. Les deux lois Hadopi de 2009, avec la mise en place de radars TMG sur le Net, et la loi sur les jeux d’argent en ligne adoptée cette année ont instauré le blocage de sites web. Quant à la loi sur la sécurité intérieure, la fameuse Loppsi 2 qui fait son retour au Sénat à partir du 7 septembre en session extraordinaire, elle étend le principe du blocage aux sites web pédopornographiques (4) (*) (**). Sur le terrain, des brèches ont déjà été ouvertes dans la Net Neutrality : blocage en France de Dailymotion par Neuf-SFR durant l’été 2007 en est une ; plafonnements de débit par Numericable ; limitations de flux en zones non dégroupées ; des restrictions de « peering » ; blocages de forfaits mobiles (Orange/M6, Bouygues Telecom/Universal Mobile, …) ; limitations territoriales dues aux droits d’auteur, comme pour Hulu (lire EM@8 p. 4). Sans parler des réseaux mobiles qui empêchent streaming, peer-to-peer ou encore visiophonie de type Skype. Autre exemple : Free propose un « accès prioritaire » payant à son service de télévision de rattrapage TVReplay, parallèlement gratuit en qualité standard. Quant à Google et Verizon, ils ont déclenché en août de vives protestations après s’être déclarés pour
des « services différenciés » sur le Net… @