Le réseau de cuivre hérité de France Télécom est démantelé : « Il sera définitivement remplacé par le réseau en fibre optique entre janvier 2025 et 2030 », prévient Marc Ferracci, ministre de l’Industrie et de l’Energie, dans un courrier aux détenteurs des 22,6 millions de lignes de cuivre actives.
« La modernisation des infrastructures d’Internet et de téléphonie est une priorité du gouvernement. Le réseau Internet DSL et téléphonique fixe RTC a été fondé sur une technologie dite “cuivre”. Ce réseau historique est en fin de vie. Il sera définitivement remplacé par le réseau en fibre optique […] entre janvier 2025 et 2030 », écrit le ministre chargé de l’Industrie et de l’Energie, Marc Ferracci (photo), aux abonnés des 22,6 millions de lignes fixes de cuivre du réseau historique d’Orange, hérité de France Télécom.
Compte à rebours et course contre la montre
Dans ce courrier postal expédié le 28 janvier 2025, notamment aux abonnés professionnels et entreprises, le ministre qui est aussi en charge des télécoms justifie cette fin programmée des lignes de cuivre partout en France en assurant que « cette modernisation est indispensable pour répondre aux nouveaux usages numériques ». De plus : « Conserver deux réseaux coûterait trop cher, et l’utilisation de la fibre optique consomme en moyenne trois fois moins d’énergie que le cuivre ». Dans sa lettre (1), le ministre conseille aux millions d’abonnés destinataires de ne pas trop tarder : « Il vous est recommandé de ne pas attendre le dernier moment pour effectuer votre migration. En effet, des travaux de desserte interne peuvent être nécessaires et les opérateurs peuvent être très sollicités à rapproche de la fermeture ». Si l’abonné ne fait rien (2), son abonnement sur ligne de cuivre – téléphonie fixe et/ou accès à Internet via ADSL ou VDSL2, audiovisuel compris en cas de triple play (téléphone-Internet-télévision) – prendra fin à la date de fermeture prévue (suite)
dans sa commune et ses installations cesseront de fonctionner.
Sur les 22,6 millions de lignes de cuivre actives, il y a encore plus de 5,7 millions d’abonnés ADSL, dont 4,6 millions disposant d’un accès TV couplé à l’abonnement Internet (3). « L’année 2026 va être une année charnière où plus aucun opérateur ne pourra proposer à ses clients une offre sur réseau cuivre », indique Orange sur son site web (4). Cependant, dans son rapport annuel 2023, l’ex-France Télécom précise qu’à « fin 2022, près de 20 millions de prises cuivre ont déjà fait l’objet d’un arrêt de commercialisation ». La course contre la montre a donc déjà commencé pour plusieurs millions de Français, et bien avant « la première grande échéance » du 31 janvier 2025 officialisée par Bercy, Orange et l’Arcep à l’occasion de la fermeture du réseau cuivre dans 162 nouvelles communes de l’Hexagone. Ce qui équivaut à près de 210 000 abonnés cuivre désactivés. Dès l’année 2021, sept communes (5) étaient déjà déconnectées du réseau de cuivre après avoir basculé sur la fibre optique. Des expérimentations d’extinction en zones très denses avaient en effet été menées par endroits (6), comme à Vanves (dans les Hauts-de-Seine en région parisienne) et dans le centre-ville de Rennes (Ille-et-Vilaine en Bretagne). Dans ces deux villes, la fermeture technique est prévue le 31 mars 2025. Le réseau téléphonique historique, avec la prise en T chez les « usagers » de France Télécom puis d’Orange et des autres opérateurs concurrents (Bouygues Telecom, Free, SFR et d’autres alternatifs), va ainsi durant les cinq prochaines années céder progressivement la place à la fibre optique.
Le 31 janvier 2025 marque une accélération du « décommissionnement ». « La fermeture du réseau dans 162 communes, accompagnées préalablement par l’opérateur et les services de l’Etat, marque la première échéance de ce plan. La fibre optique, dont le déploiement a été soutenu par l’Etat [encore actionnaire à 22,95 % d’Orange, ndlr], les collectivités et les opérateurs dans le cadre du Plan France Très haut débit, prend la relève. Plus performante, résiliente et économe en énergie (7), la fibre optique représente le réseau d’avenir. Près de 90 % des français y sont désormais éligibles et près de 60 % ont déjà souscrit à un abonnement », a souligné le ministère de l’Industrie et de l’Energie, dont la Direction générale des entreprises (DGE) veille avec l’Arcep au bon déroulé de ce basculement et de l’échelonnement de son calendrier.
Maintenance du réseau de cuivre 500 M €/an
A Bercy, tout en informant les publics (8), le DGE a en outre publié quatre guides à l’attention respectivement des particuliers, des entreprises, des élus locaux, et des sites sensibles, ainsi qu’un moteur de recherche pour connaître la date d’extinction du cuivre dans sa commune (9).
« Il s’agit d’une première étape qui s’accélérera en 2025, avec un objectif ambitieux : multiplier par quatre le nombre de communes concernées. Le défi est grand, mais la direction est la bonne », a expliqué le 31 janvier Christel Heydemann, directrice générale du group « L’arrêt du cuivre est une condition sine qua non pour arriver à la neutralité carbone du secteur des télécoms » (10). Pour Orange, les 22,6 millions de lignes de cuivre actives avaient un coût : 500 millions d’euros consacrés chaque année à son entretien, jusqu’aux 21.280 nœuds de raccordement abonnées (NRA) répartis sur tout le territoire et aux 1,1 million de kilomètres de câbles aboutissant aux paires de cuivre torsadées (sous-terrain, pleine terre, aériens confondus), sans oublier les 15 millions de poteaux (11).
Orange doit rendre compte à l’Arcep
Le régulateur des télécoms, l’Arcep, a mis sous surveillance Orange pour que l’opérateur télécoms historique « respecte le cadre de régulation [des marchés du haut et du très haut débit fixes, ndlr] mis en place pour la période 2024-2028, avant de procéder à la mise en œuvre de son plan de fermeture, incluant le partage préalable d’information entre toutes les parties prenantes, l’absence de distorsion de concurrence et l’ensemble des critères à respecter, dont la présence d’un réseau de fibre complet ». C’est ce que l’Arcep a rappelé dans sa nouvelle stratégie baptisé « Ambition 2030 » et présentée le 21 janvier 2025. Elle interpelle aussi le gouvernement et l’Etat actionnaire d’Orange en « appel- [ant] de ses vœux une communication nationale et neutre de grande ampleur sur le chantier de fermeture du cuivre, [une publicité qui] doit rapidement être lancée afin d’informer les élus et l’ensemble des publics concernés, en particulier les entreprises et les personnes les plus éloignées du numérique ».
Dans « Ambition 2030 » (12), l’Arcep met en garde contre toute précipitation dans le décommissionnement : « S’agissant du réseau cuivre historique d’Orange, il est indispensable d’y maintenir un niveau de qualité de service satisfaisant, en particulier dans les zones où la fibre n’est pas encore déployée et où le réseau cuivre demeure le principal moyen de connectivité, et ce jusqu’à sa fermeture technique à horizon 2030 ». Le gendarme des télécoms, présidé par Laure de La Raudière (photo ci-dessus), a obtenu d’Orange début 2024 « un plan d’action prévoyant un renforcement des interventions de maintenance avec une priorité donnée notamment à la maintenance préventive », plan dont Orange doit rendre compte chaque trimestre à l’Arcep qui assure ainsi « un suivi de la qualité de service des offres de gros d’Orange », notamment du dégroupage du cuivre au profit de Bouygues Telecom, de Free et de SFR, pour « permettre une transition sereine vers les réseaux FTTH ». En avril 2021, l’Arcep avait prolongé la procédure de sanction de septembre 2018 concernant justement la qualité de service pour les offres de gros cuivre. Edition Multimédi@ relève que deux plaintes ont été déposées devant le tribunal de commerce de Paris par respectivement Bouygues Telecom en février 2023 et Free (Iliad) en décembre 2023 à propos de la (mauvaise) qualité de services des offres de gros d’Orange sur la boucle locale cuivre. L’un et l’autre demandent réparation et évaluent leur préjudice à respectivement 85 millions d’euros et 49 millions d’euros.
Lors de sa présentation des vœux de l’Arcep le 21 janvier 2025 au cours d’une cérémonie à La Sorbonne, Laure de La Raudière a insisté auprès de dirigeants d’Orange présents dans la salle : « Les obligations de complétude doivent être respectés, l’Arcep en est le garant. La fermeture du réseau cuivre ne peut d’ailleurs pas être conduite sur une commune sans que la fibre n’ait été déployée complétement ». Et d’ajouter : « Sur le marché des entreprises, nous pensons que la bascule vers le réseau fibre est une opportunité pour rebattre les cartes de la concurrence » (13). Auparavant, lors de son intervention lors de la cérémonie des vœux de, cette fois, la Fédération française des télécoms (FFTélécoms) le 17 décembre 2024, la présidente de l’Arcep avait bien insisté auprès des opérateurs sur le fait que la finalisation des déploiements de la fibre va de pair avec la fermeture du réseau cuivre : « C’est un chantier structurant pour la filière, sensible pour les utilisateurs particuliers ou entreprises. Les critères pour la fermeture ont vocation à être appliqués, ce qui signifie que toutes les exceptions (refus, gels, rad) devront être documentées et justifiées. Des reports sont d’ores et déjà actés, et d’autres sont sans doute à prévoir. La transparence est le maître mot, et une bonne communication entre toutes les parties prenantes une nécessité » (14).
Outre la France, Orange est aussi un opérateur du réseau d’accès cuivre en Pologne et dans différents pays d’Afrique et du Moyen-Orient (Côte d’Ivoire, Sénégal, Jordanie). Par ailleurs, comme un train peut en cacher un autre, discrètement cette fois. Il s’agit de l’arrêt total des réseaux mobiles de générations 2G et 3G entre 2025 et 2030.
Mobile : extinction aussi de la 2G et de la 3G
Orange a même prévu pour les entreprises l’extinction dès fin 2025 pour la 2G et à partir de fin 2028 pour la 3G, ainsi que dans les autres pays européens où l’opérateur est présent. SFR et Bouygues Telecom fermeront leur 2G fin 2026, et leur 3G fin 2028 pour le premier et fin 2029 pour le second. Cela se fera au profit de la 4G et la 5G qui bénéficieront des fréquences ainsi libérées, notamment dans le monde rural. Là aussi, l’Arcep s’assurera que les opérateurs mobiles ne précipitent pas trop vite le calendrier (15) et fournissent « une information suffisante aux utilisateurs et, le cas échéant, un accompagnement ». @
Charles de Laubier