En fait. Le 23 octobre, le Premier ministre français, Jean Castex, s’est rendu à Bruxelles pour y rencontrer la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Après l’assassinat à Conflans-Sainte-Honorine, le gouvernement est poussé à lutter contre la haine sur les réseaux sociaux – mais sans menacer la liberté d’expression.
En clair. Lutter contre la haine en ligne, oui. Porter atteinte à la liberté d’expression sur Internet, non. C’est en substance la mise en garde qu’a lancée la Commission européenne au gouvernement français, dont le Premier ministre – en déplacement à Bruxelles le 23 octobre – appelle à durcir la lutte contre la cyberhaine. Et ce, après les messages haineux ou appelant au crime lancés sur les réseaux sociaux en France, à l’encontre du professeur d’histoire et de géographie Samuel Paty, au cours des quelques jours précédant son assassinat le 16 octobre à Conflans Saint-Honorine (Yvelines) par un individu russe-tchétchène radicalisé (1). L’enseignant a été décapité dans la rue à proximité de son collège pour avoir montré en classe – dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression et par rapport à l’attentat de Charlie Hebdo – des caricatures représentant le prophète Mahomet. Avant de les montrer, il aurait « invité les élèves musulmans à sortir de la classe », d’après un représentant de parents d’élèves (2). La cyberhaine qui s’était propagée sur les réseaux sociaux, dont Facebook, à l’encontre de cet enseignant avant qu’il ne soit tué, a été unanimement condamnée. « Ceux qui sont derrière des messages inacceptables appelant ou justifiant des meurtres doivent répondre en justice », a assuré le 19 octobre la commissaire européenne Véra Jourová, en charge des valeurs et de la transparence (3). Mais elle met en garde le gouvernement français – poussé par sa droite et l’extrême-droite à mettre au pas les réseaux sociaux – contre une loi répressive envers Internet qui « pourrait miner la liberté d’expression, alors que nous essayons précisément de la protéger ».
La Commission européenne prépare justement un paquet législatif, le Digital Services Act (DSA), qui prévoit en l’occurrence, rappelle la commissaire tchèque, de « garantir que les contenus illégaux soient retirés avec les garde-fous nécessaires pour protéger la liberté d’expression ». Et Véra Jourová d’insister : « La haine ne connaît pas de frontières. Nous devons y répondre ensemble, d’une façon européenne ». Le Premier ministre français, lui, a dit le 21 octobre au Sénat vouloir « attaquer plus fortement encore à ceux qui manipulent et à ceux qui transmettent la haine », quitte à remettre sur le métier le projet de loi Avia qui avait été retoqué par le Conseil constitutionnel pour cause d’atteinte à la liberté d’expression. @