En fait. Le 19 mars, le secrétaire d’Etat au Numérique, Cédric O, a appelé les plateformes vidéo, de streaming et de jeux en ligne à « limiter la consommation de leurs services », et les internautes à « privilégier les téléchargements anticipés des vidéos (…) pendant les heures creuses (notamment après 23h) », tout en évitant la 4K.
En clair. La Fédération française des télécoms (FFTélécoms) le dit sur tous les tons depuis des jours, tout juste relayée le 19 mars par le gouvernement en concertation avec l’Arcep (1) : les abonnés des opérateurs mobiles et des fournisseurs d’accès à Internet doivent faire preuve de « discipline sociale collective », de « responsabilité numérique » et de « civisme dans [leurs] usages numériques » (dixit Arthur Dreyfuss, son actuel président (2), à Reuters, à l’AFP et sur Europe 1). La FFTélécoms s’exprime au nom d’Orange, de Bouygues Telecom, de SFR et de quelques MVNO (3), mais pas de Free qui n’en est pas membre. « Depuis le domicile, il faut se connecter à Internet et passer ses appels en Wifi (4). Ceci soulage les réseaux mobiles en basculant le trafic sur le réseau fixe, déjà dimensionné pour absorber des pics de consommation en fin de journée en temps normal. Ensuite, privilégier les usages liés au télétravail et à l’enseignement à distance en journée, et réserver les vidéos en streaming pour le soir », a recommandé Michel Combot, son directeur, dans une interview à UFC-Que Choisir le 17 mars. Ancien de l’Arcep puis du CSA, il prévient même que les opérateurs télécoms « [peuvent] aussi décider que la 4K, cette ultra haute définition extrêmement gourmande en bande passante, n’est pas indispensable. La HD suffit amplement pour regarder des films et des séries… ». La FFTélécoms rappelle en outre ce que les utilisateurs constatent déjà tous les jours : «les réseaux mobiles ont une capacité moins grande que les réseaux fixes » (5). Au nom, cette fois, d’une certaine « discipline numérique de la part des opérateurs télécoms », ces derniers ont, le 16 mars au soir,
« ajusté » l’allocation de la bande passant au niveau des interconnexions entre leurs réseaux. Il s’agit d’absorber la hausse du volume des appels vocaux due à l’explosion du télétravail, mais aussi de brider le trafic vidéo des GAFAN (YouTube, Netflix ou Facebook en tête), afin de « prioriser le télétravail ». Est-ce contraire au principe de neutralité de l’Internet ?
Cette « gestion de trafic » est tolérée, viennent de rappeler la Commission européenne et le Berec (6), par le règlement européen « Open Internet » du 25 novembre 2015. Mais seulement pour « prévenir une congestion imminente du réseau et atténuer les effets d’une congestion exceptionnelle ou temporaire du réseau, pour autant que les catégories équivalentes de trafic fassent l’objet d’un traitement égal ». @