Musique : la taxe streaming de 1,2 % est enclenchée

En fait. Depuis le 1er janvier 2024, la taxe streaming – finalement fixé au taux de 1,2 % du chiffre d’affaires – est applicable aux plateformes de musique en ligne réalisant en France au moins 20 millions d’euros par an. Spotify, Deezer, Apple Music ou Amazon Music sont concernés, mais pas Qobuz.

En clair. Selon les constatations de Edition Multimédi@, la « taxe streaming », qui a finalement été fixée à 1,2 % du chiffre d’affaires hors taxe des plateformes réalisant au moins 20 millions d’euros par an en France, a été gravée dans le marbre de la loi de finances pour 2024 – datée du 29 décembre 2023 et promulguée au Journal Officiel du 30 décembre. C’est son article 53 qui introduit cette « taxe » de 1,2 % dans le code général des impôts (1). Elle est applicable depuis le 1er janvier et exigible « à l’achèvement de l’année civile ».
Spotify, Deezer, Apple Music ou Amazon Music y sont assujettis. Mais pas Qobuz : « Nous ne sommes pas concernés par cette taxe streaming », nous indique Denis Thébaud, président de Xandrie, son éditeur. Le rapport Bargeton (du nom de son auteur le sénateur Julien Bargeton appartenant à la majorité relative présidentielle) avait préconisé un taux de 1,75 % en avril dernier, alors que des discussions avaient évoqué une taxe à 1,5 % (2). C’est finalement 1,2 % qui a été retenu et que la ministre de la Culture, alors encore Rima Abdul Malak (« RAM »), avec bien sûr l’aval d’Emmanuel Macron (3), a confirmé le 15 décembre. « Cette nouvelle contribution fiscale devrait rapporter 15 millions d’euros en 2024 » (4). La filière musicale s’est fracturée sur cette taxe streaming (5) : l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI) était pour mais pas le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), dont sont membres les majors Universal Music, Sony Music et Warner Music. Aucun consensus n’a pu être trouvé autour de ce nouvel impôt ; le gouvernement a dû trancher.

De l’image détournée par l’IA aux deepfakes vidéo, la protection du droit à l’image en prend un coup

La manipulation d’images par l’intelligence artificielle, poussée jusqu’aux hypertrucages vidéo (deepfakes), n’épargne potentiellement personne. Angèle, Scarlett Johansson, Volodymyr Zelensky et bien autres en font les frais. Reste à savoir si le droit à l’image sera garanti par l’AI Act européen.

Par Véronique Dahan, avocate associée, et Jérémie Leroy-Ringuet, avocat, Joffe & Associés*

L’intelligence artificielle (IA) représente un défi désormais bien connu en matière de droit d’auteur (1). Mais de nouveaux enjeux se dessinent également en termes de droit à l’image, un des composants du droit au respect de la vie privée. Voyons ce qu’il en est sur ce point, à l’aube de l’adoption de l’AI Act (2). Malgré une entrée tardive dans le droit positif français (3), le droit au respect de la vie privée est un pilier des droits de la personnalité. Le droit à l’image, qui protège le droit de s’opposer à sa reproduction par des tiers (4) en fait également partie.

L’image inclut le physique et la voix
Parmi les composantes de l’image figurent non seulement l’aspect physique mais aussi, notamment, la voix. Le tribunal de grande instance de Paris avait ainsi considéré, en 1982, lors d’un procès relatif à des enregistrements de Maria Callas, que « la voix est un attribut de la personnalité, une sorte d’image sonore dont la diffusion sans autorisation expresse et spéciale est fautive ». Or, de même que les outils de l’IA utilisent des œuvres protégées et s’exposent à des risques de contrefaçon, leur utilisation peut consister à reproduire l’image ou la voix de personnes existantes ou décédées, par exemple en réalisant la fausse interview d’une personne défunte ou en faisant tenir à une personnalité politique un discours à l’encontre des opinions qu’elle défend. Ces usages sont-ils licites ?
Quels sont les droits des personnes concernées ? Les exemples ne manquent pas. A l’été 2023, un beatmaker (compositeur de rythmiques) nancéen, nommé Lnkhey, a remixé au moyen de l’IA une chanson des rappeurs Heuss l’Enfoiré et Gazo avec la voix de la chanteuse Angèle, dont les œuvres sont bien évidemment très éloignées de celles de ces rappeurs. Le remix (5) a eu un succès tel qu’Angèle l’a elle-même repris en public lors de la Fête de l’Humanité en septembre 2023.

Traque anonyme par des cookies publicitaires : l’Europe harmonise l’information aux internautes

Tandis que les navigateurs web Google, Safari, Firefox ou Edge ont proscrit les cookies publicitaires, les sites web continuent le suivi à la trace des internautes mais de façon anonyme, pour peu que ces derniers y aient consentis. Encore faut-il qu’ils soient bien informés avant de décider.

Pour le commissaire européen Didier Reynders (photo), en charge de la Justice (protection des consommateurs comprise), c’est l’aboutissement de longs mois de réflexion, avec les professionnels concernés, sur la manière de mieux informer les consommateurs avant de choisir s’ils acceptent – ou pas – d’être suivis à la trace lors de leur navigation sur Internet. Même si l’année 2024 annonce la fin généralisée des cookies publicitaires, les internautes ont la possibilité de consentir à livrer des données anonymes les concernant à des fins publicitaires. L’Union européenne (UE) veut harmoniser les conditions d’informations des consommateurs du Net avant de donner ou pas leur accord.

Des principes finalisés en janvier 2024
Continuer à être « tracké » ou pas ? Telle est la question. Avant de donner leur consentement individuel à chaque fois qu’ils se rendent sur un site web ou une application, les internautes européens – au nombre de 404 millions dans l’UE (1) – doivent être mieux informés. C’est l’objectif de la « réflexion sur la façon de mieux habiliter les consommateurs à faire des choix efficaces concernant les modèles de publicité basée sur le suivi » initiée il y a près d’un an par la Commission européenne et intitulée « Cookie Pledge » – en français, « Engagement en matière de cookies »).
Ce sont des principes qui devront être appliqués et respectés dans les Vingt-sept par l’écosystème du Net composé des éditeurs de sites web (ou d’applications mobiles) et des annonceurs publicitaires. Ces engagements complèteront les obligations imposées par la directive « ePrivacy » (2) et le règlement général européen sur la protection des données (RGPD), sous peine de sanctions financières infligées par les « Cnil » européennes (3).

La disparition prochaine de Vivendi signe l’échec de la stratégie de synergies d’Arnaud de Puyfontaine

C’est un échec pour Arnaud de Puyfontaine, bras droit de Vincent Bolloré et stratège des synergies au sein de Vivendi. La convergence entre les métiers d’édition, de publicité et de médias n’a pas porté ses fruits, ni au sein du conglomérat ni en Bourse. L’éclatement de ses activités met fin à l’aventure Vivendi.

Avec Vincent Bolloré, ce n’est pas « Veni, vidi, vici » (le « Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu » cher à Jules César), mais plutôt « Veni, vidi, vixi » qui, en paraphrasant Victor Hugo, pourrait devenir « Vivendi est venu, Vivendi a vu, Vivendi a vécu ». Après plus de quinze ans de valorisation boursière décevante, et malgré la scission en septembre 2021 d’Universal Music, qui était soi-disant « l’arbre qui cachait la forêt », le président du directoire de Vivendi (« la forêt »…), Arnaud de Puyfontaine (photo), a échoué à faire un groupe intégré de la maison mère de Canal+/ StudioCanal, d’Editis (deuxième français de l’édition revendu en juin 2023 à Daniel Kretinsky pour pouvoir racheter le numéro un de l’édition Hachette), du groupe de presse Prisma Media et du publicitaire Havas. Dix ans après la prise de contrôle de Vivendi par Vincent Bolloré, ce dernier a décidé de façon radicale d’envisager le démembrement du groupe de l’avenue de Friedland (où est basé historiquement le siège social du conglomérat depuis l’époque de Jean-Marie Messier). Son fils Yannick Bolloré, président du conseil de surveillance de Vivendi, et Arnaud de Puyfontaine lui-même ne sont à l’origine de ce revirement stratégique (1). Passée la surprise générale, les actionnaires en sauront plus sur ce projet de split lors de la présentation des résultats annuels 2023 prévue en mars prochain.

Vivendi ne sera pas le « Disney européen » rêvé par Vincent Bolloré
Pourtant, lors de la finalisation du « rapprochement » entre Vivendi et Lagardère le 21 novembre dernier – il y a à peine 55 jours ! –, le groupe de Vincent Bolloré se « réjoui[ssait] » encore : « Cette opération lui confère une toute nouvelle dimension en confortant ses positions d’acteur majeur de la culture, des médias et du divertissement, et en devenant un leader mondial de l’édition, du travel retail et des expériences ». Ce qui allait dans le sens de la stratégie de convergence des contenus que s’échinait à mettre en œuvre Arnaud de Puyfontaine (« ADP ») depuis 2014 pour tenter de concrétiser le rêve de son principal actionnaire Bolloré de faire du conglomérat multimédia un « Disney européen ».

La société américaine Verisign, cotée depuis 25 ans, est la face privée de l’Internet mondial

Internet s’achemine vers les 400 millions de noms de domaine enregistrés dans le monde, ce qui fait les affaires de Verisign. Cette société privée américaine, basée à Reston (Etat de Virginie) et cotée au Nasdaq depuis 25 ans, gère discrètement des pans entiers du Net – dont les « .com » et « .net ».

Cela fait près de 30 ans que la société américaine Verisign tire les ficelles de l’Internet mondial, à l’ombre du gouvernement des Etats-Unis et en coulisse, aux côtés de sa compatriote Icann (1), laquelle – « à but non lucratif et reconnue d’utilité publique » – attribue et administre les adresses et noms de domaine grâce à seulement treize serveurs informatiques dits « racines » (2) répartis sur la planète. Verisign, elle, en opère deux et non des moindres. James Bidzos (photo), dit Jim, qui aura 68 ans le 1er février, en est le PDG fondateur. C’est l’homme invisible de l’Internet depuis près de trois décennies.

Société US privée en coulisses du Net
La société est cotée depuis un quart de siècle au Nasdaq à New-York où sa capitalisation boursière (3) atteint 20,8 milliards de dollars (au 12-01-24). Verisign est à l’origine commerciale de 173,9 millions de noms de domaine en « .com » (160,8 millions) et en « .net » (13,2 millions), dont cette société américaine a le monopole. Ces deux extensions sont très prisées par les sites web et les plateformes du commerce électronique partout dans le monde. Cette exclusivité, sur près de la moitié (48,4 %) des 359,3 millions de noms de domaines enregistrés dans le monde au 30 septembre dernier (4), est confortée par le taux de renouvellement d’environ 75 % de ces noms de domaine cruciaux de l’Internet. Verisign a aussi la mainmise sur d’autres extensions telles que « .edu », « .name » ou encore « .jobs ».
A chaque enregistrement ou renouvellement, Verisign encaissent quelques dollars. A cette rente de situation s’ajoute un rôle déterminant pour la gestion de bases de données de domaines (data centers sur le sol américain) et le bon fonctionnement de l’Internet mondial (200 points de présence dans le monde) : la firme basée à Reston, dans Etat américain de Virginie, opère à elle seule deux des treize serveurs dits « racines » répartis sur la planète pour permettre au « réseau des réseaux » de fonctionner. Rien de moins.