La nouvelle super-régulation d’Internet se met en place en Europe, avec l’Arcom en soutien pour la France

Le Digital Services Act (DSA) entre entièrement en application le 17 février 2024 dans les Vingt-sept. L’Arcom devient pour la France le « Coordinateur pour les services numériques » (DSC) et l’un des vingt-sept membres du « Comité européen des services numériques » (EBDS) présidé par la Commission européenne.

Il n’y aura pas de super-régulateur européen d’Internet, mais c’est tout comme. Avec le règlement sur les services numériques, le DSA (Digital Services Act), qui entre pleinement en application le 17 février (1), l’Union européenne (UE) devient la première région du monde à mettre en place une vaste « régulation systémique » de l’Internet. Elle va s’articuler autour du Comité européen des services numériques (EBDS), présidé par la Commission européenne et assisté – pour chacun des vingt-sept Etats membres – d’un Coordinateur pour les services numériques (DSC).
Pour la France, c’est l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) qui est désignée DSC par la loi « Sécuriser et réguler l’espace numérique » (SREN) dont le vote définitif est attendu en mars (2). « Pour moi, europhile, je crois qu’on a la chance d’être sur un continent pionnier dans la régulation des grands acteurs du numérique. On peut espérer que ce règlement aura un effet de jurisprudence : ce que les plateformes feront sur le continent européen pour se conformer aux obligations du DSA, elles pourront le faire dans d’autres pays », a déclaré le 1er février Roch-Olivier Maistre (photo), président de l’Arcom. « Je suis heureux d’être sur un continent qui tente quelque chose, sans être ni le modèle chinois ni le modèle américain. C’est une tierce-voix qui est conforme à la protection de la liberté et du public », a-t-il ajouté devant l’Association des journalistes médias (AJM), dont il était l’invité.

Un Comité européen et 27 Coordinateurs nationaux
Pour assurer cette nouvelle « super-régulation » du Net dans les Vingt-sept, la Commission européenne et les régulateurs nationaux vont travailler main dans la main. Le Comité européen des services numériques (EBDS (3)), créé à cet effet, est chapeauté par la Commission européenne elle-même et composé de « hauts fonctionnaires » représentant, chacun, le Coordinateur national pour les services numériques (DSC (4)) d’un Etat membre – à savoir l’Arcom pour la France, en liaison avec la Cnil et l’Autorité de la concurrence. « Pour les très grandes plateformes, qui comptent chacune au moins 45 millions d’utilisateurs par mois en moyenne dans l’UE et pour lesquelles le DSA est entré en vigueur le 25 août 2023, c’est la Commission européenne qui jouera un rôle central. Comme elle l’a fait en ouvrant, le 18 décembre 2023, une enquête formelle à l’encontre de X (ex-Twitter) soupçonné d’avoir enfreint le DSA », a expliqué Roch-Olivier Maistre, dont le mandat à la tête de l’Arcom se termine fin janvier 2025.

La réforme de l’audiovisuel public est devenue le « marronnier » de la macronie, … et l’arlésienne ?

Rachida Dati, la cinquième ministre de la Culture de l’hyperprésident Macron, s’est emparée du marronnier de la macronie : la réforme de l’audiovisuel public. « Un audiovisuel public fort, je vous le dis, c’est un audiovisuel public qui rassemble ses forces », a-t-elle lancé lors de ses vœux 2024.

Delphine Ernotte (présidente de France Télévisions), Sibyle Veil (présidente de Radio France), Marie-Christine Saragosse (présidente de France Médias Monde) et Laurent Vallet (président de l’Institut national de l’audiovisuel) sont sur le qui-vive, depuis que Rachida Dati est ministre de la Culture. Car le plus gros dossier de la locataire de la rue de Valois est la réforme de l’audiovisuel public qu’Emmanuel Macron (photo) promet depuis début 2017 : « Nous rapprocherons les sociétés audiovisuelles publiques pour une plus grande efficacité », avait assuré le candidat d’alors, devenu le 8e président de la République française (1).

Holding « France Médias », le retour ?
Rachida Dati, cinquième (2) ministre de la Culture de l’hyperprésident, a repris le flambeau de cette réforme de l’audiovisuel devenue le « marronnier » de la macronie. « Je partage avec le président de la République la conviction que nous avons besoin d’un audiovisuel public puissant […]. Un audiovisuel public fort, je vous le dis, c’est un audiovisuel public qui rassemble ses forces. C’est pourquoi je souhaite encourager et même accélérer les coopérations entre sociétés […]. C’est aussi à cette condition que nous pourrons obtenir un financement pérenne dédié », a-t-elle prévenu le 29 janvier lors de ses vœux aux acteurs culturels. Car c’est une affaire de gros sous : la redevance audiovisuelle a été payée pour la dernière fois en 2021 par les Français (3,2 milliards d’euros collectés) ; elle a été remplacée par une fraction de la TVA fléchée vers l’audiovisuel public (4 milliards d’euros en 2024).

Pub des médias en baisse : taxer les géants du Net ?

En fait. Le 30 janvier, l’Arcom et la DGMIC (ministère de la Culture) ont présenté une étude sur la publicité accaparée par les plateformes Google, Meta, Amazon et TikTok au détriment des médias. Pour le président de l’Arcom, il faut « anticiper une régulation au niveau européen pour un meilleur équilibre ».

En clair. Alors que la prochaine Commission européenne ne prendra ses fonctions qu’en novembre 2024, à l’issue des résultats des élections européennes qui se dérouleront du 6 au 9 juin prochains, la France lui suggère déjà de faire à nouveau évoluer la régulation des médias et du numérique dans les Vingt-sept. « Nous avons un processus d’élections européennes devant nous ; il faut d’ores et déjà anticiper et réfléchir à une voie de régulation, au niveau européen, sur un meilleur équilibre de la ressource publicitaire entre les acteurs du numérique et les acteurs de contenus », a expliqué Roch-Olivier Maistre, président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), devant l’Association des journalistes médias (AJM) le 1er février.
Cet équilibre publicitaire doit être trouvé au niveau européen, car l’étude publiée l’avant-veille par l’Arcom – avec la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la Culture – montre que « les médias de contenus vont souffrir », prévient-il. Et de constater : « Sur le numérique, tout se concentre sur quatre acteurs : Amazon, Google, Meta et TikTok. Or il faut défendre le pluralisme des médias qui portent une forme de contenus ».

L’année 2024 sera-t-elle plus « intelligente » que les précédentes ? Les acteurs de l’IA y travaillent

Edition Multimédi@ est partenaire média du 3e World AI Cannes Festival (WAICF), rendez-vous mondial consacré à l’intelligence artificielle et organisé du 8 au 10 février 2024 au Palais des festivals de Cannes. L’occasion de faire le point sur quelques forces en présence d’envergue mondiale.

L’intelligence artificielle, c’est désormais le foisonnement permanent sur fond de bataille des LLM (Large Language Model), ces grands modèles de langage utilisés par les agents conversationnels et les IA génératives, capables d’exploiter en temps réel des milliards voire des dizaines de milliards de paramètres. Depuis le 30 novembre 2022, date du lancement fracassant de ChatGPT (1) d’OpenAI, cornaqué par Microsoft (2), le marché mondial de l’IA ne cesse de prendre de l’ampleur. Alors que les questions sur les IA responsables (éthique, biais, droit d’auteur, droit à l’image, …) sont autant de défis à relever. Parmi les derniers prétendants aux premières places de la course à l’intelligence numérique potentiellement utilisable par des milliards d’êtres humains connectés : Mistral AI, Gemini, Anthropic et Llama, en attendant Ferret… d’Apple.

Mistral AI. La start-up française, devenue licorne (non cotée en Bourse mais valorisée près de 2 milliards d’euros), a été fondée en avril 2023 par Arthur Mensch, Guillaume Lample et Timothée Lacroix. Le 10 décembre dernier, elle a annoncé avoir levé 385 millions d’euros auprès d’investisseurs et a ouvert à l’intention des développeurs sa plateforme open source de modèles génératifs « les plus puissants » dans leur version bêta (3). Arthur Mensch, un ancien « scientist » de chez DeepMind, filiale de Google (tandis que les deux autres cofondateurs viennent de Facebook/Meta), a l’ambition de « créer un champion européen à vocation mondiale dans l’intelligence artificielle ». Son modèle d’IA, baptisé « Mixtral 8x7B », a été présenté comme étant six fois plus rapide que le langage Llama 2 70B du groupe Meta qu’il « surpasse » dans « la plupart des benchmarks ». De plus, « il égale ou surpasse GPT 3.5 [d’OpenAI] » (4).

Casques : la start-up française Lynx lève des fonds

En fait. Alors qu’Apple commence le 2 février la commercialisation de son casque de réalité mixte Vision Pro aux Etats-Unis, la start-up française Lynx Mixed Reality va produire en nombre son casque – de réalité mixte aussi (AR/VR) – à partir du 12 février. Son fondateur nous confirme avoir levé des fonds.

En clair. « Nous allons effectuer la première production en masse de notre casque de réalité mixte Lynx R1, en assemblant dès le 12 février 500 unités ‘’PVT’’ [comprenez Production Validation and Testing, à savoir la dernière phase avant le début de la production en série, ndlr]. Et nous devrions passer à 1.000 unités produites dès le mois d’avril », indique à Edition Multimédi@ Stan Larroque, le PDG fondateur de Lynx Mixed Reality, alias la start-up française SL Process dont il est l’actionnaire principal.
Ce millier de casques produits dès le printemps est possible grâce à une levée de fonds en cours. « J’aurai de très bonnes nouvelles à vous partager en février concernant la société », nous confie-t-il, sans toutefois préciser le montant des fonds levés. Initialement, il avait indiqué le 21 décembre dernier avoir envisagé une « production de masse à 1.000 exemplaires par mois d’ici fin 2023 » mais la start-up basée à Boulogne-Billancourt a dû lever le pied car le financement n’était pas encore à la hauteur. « Cela est dû en grande partie au calendrier de notre collecte de fonds, qui devrait se terminer avec succès entre janvier et février 2024 », avait alors précisé Stan Larroque (1).