En fait. Le 5 octobre, Rodolphe Belmer, DG d’Eutelsat, l’opérateur satellite français, était auditionné par la commission des Affaires économiques du Sénat. L’ancien DG de Canal+ (passé après par France Télévisions) n’a pas mâché ses mots pour critiquer la politique très haut débit du gouvernement.
En clair. « Les autorités françaises ne jurent que par la fibre, pour des raisons qui me paraissent parfois toucher à l’obscurantisme », a lancé Rodolphe Belmer, directeur général d’Eutelsat depuis sept mois. « Aucun analyste sérieux ne considère que les opérateurs terrestres couvriront 100% de la population. Cela n’empêche pas certains de faire des promesses démagogiques… », a-t-il déploré au Sénat. Et à quel prix : « Si le coût moyen de connexion à la fibre en France est de 2.000 euros par foyer, il varie entre 400 euros dans le centre des agglomérations et plus de 10.000 euros dans les zones peu denses. Tandis qu’apporter le très haut débit par satellite à un foyer coûte entre 600 et 700 euros en investissement, à capacité et à prix final équivalents ».
La fibre optique est donc en moyenne trois fois plus chère que le satellite. Le patron
du deuxième opérateur de satellite en Europe et troisième au niveau mondial (derrière Intelsat et SES) déplore que la France ne joue pas la complémentarité satellitaire avec les infrastructures terrestres, comme cela se fait en Australie et bientôt en Italie.
« Selon les estimations, entre 5 % et 10 % des zones blanches (1) ne seront pas couvertes », a rappelé Rodolphe Belmer concernant l’Hexagone où il regrette qu’Eutelsat reste « méconnu ». Cette obstination de l’Etat français dans le quasi-tout FTTH (2) est d’autant plus « obscure » à ses yeux qu’Eutelsat est détenu par Bpifrance – la banque publique d’investissement (contrôlée par l’Etat et la CDC) – à hauteur de 25 % de son capital (le reste en Bourse). « Eutelsat est le seul opérateur au monde à n’être pas soutenu par son pays ».
De plus, son siège social est à Paris. « Intelsat et SES sont tous deux immatriculés
au Luxembourg, pour des raisons que vous imaginez facilement… La différence de situation fiscale (…) est inacceptable », s’est-il insurgé. Cette indifférence de l’Etat français est d’autant plus mal vécu qu’Eutelsat – tout comme les autres opérateurs de satellite – se posent des questions existentielles sur son avenir. « Après une trentaine d’années de croissance forte, nous abordons une phase de stabilisation, voire même de léger déclin de notre chiffre d’affaires, en raison de la concurrence des OTT (3) dans l’audiovisuel, qui fait pression sur les clients que sont pour nous les chaînes de télévision », a expliqué l’ancien PDG de Canal+. @