Roberto Viola, le discret directeur – depuis 10 ans – de la puissante DG Connect à la Commission européenne

Il a fêté ses 10 ans à la tête de la DG Connect, la puissante « direction générale des réseaux de communication, du contenu et de la technologie », à Bruxelles, et l’une des mieux dotées. Roberto Viola est pourtant méconnu, alors que la stratégie digitale de l’Europe et sa souveraineté numérique, c’est lui.

Roberto Viola (photo), le directeur général de la DG Connect – l’entité de la Commission européenne chargée de mettre en œuvre toute la stratégie numérique des Vingt-sept – est un homme discret. Cet Italien, qui a fêté le 1er septembre 2025 ses 10 ans à la tête de cette « direction générale des réseaux de communication, du contenu et de la technologie » (DG Cnect, son nom officiel), fait peu d’apparitions médiatiques et n’accorde que de rares interviews. Ses interventions grand public sont presqu’inexistantes, tant il réserve ses quelques apparitions à certaines conférences ou rencontres spécialisées (régulation numérique, innovations, cybersécurité, intelligence artificielle, …).
Ce qui en fait l’un des plus méconnus hauts fonctionnaires de Bruxelles, alors qu’il en est l’un des plus puissants. Roberto Viola est en fait l’homme-orchestre du « marché unique numérique », en étant à la tête de la DG Connect dotée d’un budget annuel de près de 2 milliards d’euros. Bien qu’il ait atteint depuis le 27 septembre 2024 l’âge de départ à la retraite (65 ans), la Commission européenne confirme à Edition Multimédi@ qu’elle a prolongé son mandat jusqu’en septembre 2026 (1). Roberto Viola semble irremplaçable à Bruxelles, tant son pouvoir et sa maîtrise des dossiers « tech » et « médias » sont vastes et cruciaux pour l’Union européenne.

DG Connect, bras digital et IA de Bruxelles
Roberto Viola – 66 ans depuis fin septembre (2) – est celui qui supervise la bonne application des multiples règlements européens d’envergure, tels que l’AI Act, le Digital Services Act (DSA), le Digital Markets Act (DMA) ou le RGPD pour la protection des données – le tout dans le cadre des objectifs ambitieux du programme « Digital Decade 2030 » (3) touchant tous les Européens. Et ce, alors que cette régulation numérique unique au monde est sous le feu des critiques de l’administration Trump (4). Les projets ne manquent pas non plus pour la DG Connect, comme le futur « Cloud & AI Development Act » (5), Bruxelles ayant d’ailleurs lancé le 18 novembre deux enquêtes sur les cloud d’Amazon Web Services et de Microsoft Azure (6), ou comme le futur Digital Networks Act (DNA) qui pourrait exiger des Gafam une « contribution équitable » aux financements des réseaux très haut débit des opérateurs télécoms (7). Les contenus n’échappent pas, eux aussi, aux domaines d’intervention de Roberto Viola, avec la révision de la directive « Services de médias audiovisuels » (SMA) attendue pour 2026 (8), et sans parler de l’entrée en application du règlement sur la liberté des médias (EMFA) qu’il suit de près également (9). La DG Connect tire les ficelles de tous ces textes numériques, en commençant par l’organisation en amont de Continuer la lecture

Quand Donald Tang, président exécutif du chinois Shein, rêvait de réussir dans le cinéma et la télévision

Chinois et Américain, président exécutif du géant mondial de la vente en ligne de vêtements Shein depuis trois ans, Donald Tang a eu plusieurs vies, à commencer par banquier d’affaires. Il a investi dans le cinéma et l’audiovisuel via sa holding Tang Media Partners créée il y a dix ans – mais sans succès.

Cela fait quatre ans presque jour pour jour que Donald Tang (photo) a été recruté par le groupe chinois Shein. Après avoir été conseiller du PDG fondateur Chris Xu, l’ex-banquier d’affaire sino-américain est monté en grade pour devenir en août 2023 président exécutif du géant mondial du e-commerce de vêtement et d’accessoires de mode. Si son patron sino-singapourien, dénommé aussi Sky Xu, se fait très discret, Donald Tang, lui, fait office de porte-parole de l’enseigne Shein en tant que représentant mondial, avec des casquettes aussi différentes que président exécutif, responsable des affaires publiques, directeur de la stratégie ou encore chargé du développement international. Fondé en 2008 à Nankin (Chine), le groupe vestimentaire chinois – dont le siège social avait déménagé en 2022 à Singapour pour tenter, en vain, d’être plus présentable en vue de son introduction en Bourse, à New-York ou à Londres – a renoncé à se faire coter en Occident faute notamment d’un feu vert de la China Securities Regulatory Commission (CSRC). Shein se prépare donc à déménager sa maison mère en Chine, afin d’envisager une cotation à probablement Hong Kong (1). L’Occident est hostile à l’entreprise, médias et concurrents l’accusant d’« ultra-fast fashion », de « concurrence déloyale », et, de « travail indigne » ou de « faire travailler des enfants » en Chine où sont produits ses vêtements – ce que Donald Tang réfute.

Donald Tang, en première ligne en France
« Nous ne sommes pas de la fast fashion », avait lancé le président exécutif de Shein, lors de son intervention sur scène à Paris le 13 juin dernier au salon-conférence Viva Technology. « Nous sommes une entreprise de fashion-on-demand », assurait-il, alors que trois jours auparavant la France venait d’adopter au Sénat une proposition de loi pour « réduire l’impact environnemental de l’industrie textile » – texte notifié par le gouvernement à la Commission européenne avant son passage à l’Assemblée nationale (2). Donald Tang avait tourné en dérision les attaques dont Shein est la cible : « Il y a vingt ans, le diable avait l’habitude de porter du Prada, mais maintenant, il commence à porter du Shein », plaisanta-t-il alors (3). Mais l’ouverture controversée le 5 novembre du premier magasin permanent de Shein – à Paris au sein du BHV avec son portrait en devanture (4), et sur fond d’accusation de vente en ligne de poupées pédopornographiques et d’armes (5) – l’a remis en France sous le feu des projecteurs.

Son rêve hollywoodien sino-américain
A 62 ans, Donald Tang – né Tang Xiangqian à Shanghai de parents chinois universitaires – a fait du chemin depuis (suite)

Le modèle artist centric ne change pas grand-chose

En fait. Le 31 octobre, le musicien Denis Levaillant a appelé à « une réforme profonde du modèle économique du streaming » et a estimé que « le modèle “artist centric” ne changera pas grand-chose ». Il l’a dit dans un entretien au Bulletin des auteurs du Syndicat national des auteurs et des compositeurs (Snac).

En clair. La toute première répartition de la rémunération des musiciens et ayants droits selon le modèle dit « artist centric » est intervenue le 6 octobre, dans le cadre de l’accord passé en février 2025 entre la Sacem – Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique – et Deezer, la plateforme française de streaming musical. La promesse du modèle artist centric est de pondérer la valeur des streams en fonction de différents critères, afin de permettre une répartition des droits plus équitable que le modèle historique dit market centric où chaque streama la même valeur sans distinction et où les royalties sont calculées au prorata des écoutes totales (1).
Les critères de l’artist centric, du moins dans l’accord SacemDeezer, sont notamment et a priori une meilleure valorisation des artistes « professionnels » (pas d’IA) qui atteignent 1.000 streams mensuels issus de 500 utilisateurs uniques (tous titres de l’artiste confondus), et une meilleure rémunération des streams dits « actifs » car – contrairement aux streams dits « passifs » – ils correspondent à une écoute obtenue par (suite)

L’Europe n’en a pas terminé avec le « Chat Control »

En fait. Le 31 octobre, la présidence danoise de l’UE a retiré le projet controversé d’obliger de surveiller les conversations des messageries cryptées telles que WhatsApp, Telegram ou Signal pour lutter contre la pédopornographie. Mais la Pologne, à partir du 1er janvier 2026, pourrait réintroduire ce « Chat Control ».

En clair. Ce n’est que partie remise… pour 2026. Bien que la présidence danoise de l’Union européenne (UE) ait annoncé le 31 octobre le retrait de l’obligation – pour les éditeurs de messageries cryptées – de surveiller les conversations de leurs millions d’utilisateurs européens dans le cadre de la lutte contre les contenus d’abus sexuels sur enfants, cela ne signifie pas que l’obligation du « Chat Control » (contrôle du chat) soit abandonnée pour autant. Car la Pologne, bien qu’hostile à l’obligation de « décryptage du cryptage », va prendre à partir du 1er janvier 2026 la présidence tournante de l’UE et va être soumise à de fortes pressions en faveur d’une surveillance obligatoire des WhatsApp, Telegram et autres Signal. Gmail de Google et Messenger de Facebook sont aussi parmi les messageries concernées. Pour l’heure, et jusqu’à l’échéance du 3 avril prochain (1), le « scanning » des contenus et conversations en ligne n’est pas obligatoire pour les éditeurs de ces plateformes.
Un règlement européen de 2021, parfois surnommé « Derogation ePrivacy », a instauré une « dérogation temporaire » à la directive « ePrivacy » de 2022 pour « permettre » aux plateformes de messageries instantanées d’utiliser des technologies de « scanning » (traduit en français par « examiner ») de tous les contenus des conversations, données à caractère personnel et autres données, afin de « lutte[r] contre les abus sexuels commis contre des enfants en ligne » ((2). Cette dérogation basée actuellement sur le volontariat, devait durer (suite)

Les signaleurs de confiance veulent des moyens financiers pour agir contre les contenus illicites

Ils sont déjà huit à être agréés par l’Arcom, dans le cadre du règlement européen sur les services numériques (DSA). Ce sont les « signaleurs de confiance ». Sur les suggestions du régulateur, le gouvernement veut les aider financièrement pour mieux lutter contre les « contenus illégaux ».

En un an, depuis la première désignation d’un signaleur de confiance le 6 novembre 2024 (1), l’Arcom en a désignés huit. Ces « signaleurs de confiance » – ou Trusted Flaggers, selon la terminologie anglaise du DSA (Digital Services Act) – sont, selon l’Arcom (2), « des organisations reconnues pour leur expertise dans la détection, l’identification et la notification de contenus illicites », que la plateforme en ligne a l’obligation – « si elle partage l’analyse du signaleur de confiance » – de retirer ou d’en bloquer l’accès, dès lors que ces contenus illégaux lui ont été signalés.

Ligue des droits de l’homme, signaleuse de fait
« Dans l’architecture du règlement européen sur les services numériques, il y a les régulateurs coordinateurs que nous sommes [l’Arcom en France, ndlr (3)]. Mais pour que leur action auprès des plateformes numériques puisse prendre toute leur ampleur, il faut qu’il y ait des acteurs administratifs mais aussi beaucoup de la société civile – associatifs ou chercheurs (4) – qui soient agréés, labellisés. Parmi eux, les “signaleurs de confiance” signalent aux plateformes les contenus qui posent problème », a expliqué le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), Martin Ajdari (photo), devant l’Association des journalistes médias (AJM), le 16 octobre 2025.
Ces huit signaleurs de confiance agréés en France sont : (suite)